Textes choisis, Labor et Fides-Centurion, 1970.p. 81-85
«Il importe peu que nous nous retirions hors du monde ou que nous soyons « sécularistes »: l’un et l’autre signifient que nous ne croyons pas au royaume de Dieu. Nous sommes hostiles soit au monde, puisque nous voulons être meilleurs que lui, soit à Dieu, puisqu’il nous dérobe la terre, notre mère. Ou nous prenons la fuite devant le pouvoir terrestre, ou nous prenons appui sur lui, rigides et immobiles. Nous ne sommes pas des voyageurs aimant la terre qui les porte, ne l’aimant d’une amour authentique que parce qu’ils vont vers un pays étranger, aimé par-dessus tout – car sinon, ils ne seraient pas voyageurs. Seul celui qui voyage ainsi, qui aime Dieu et la terre à la fois, peut croire au royaume de Dieu.
Quiconque fuit le monde ne trouve pas Dieu, mais un autre monde, à savoir son propre monde, meilleur, plus beau, plus paisible, un « arrière-monde » Qui fuit la terre pour trouver Dieu ne trouvera que lui-même. Et quiconque fuit Dieu pour trouver la terre ne trouvera pas la terre de Dieu ; il trouvera le joyeux théâtre où se déroule la scène d’une guerre animée par lui-même, entre les bons et les mauvais, entre les croyants et les blasphémateurs : il se trouvera lui-même. Qui aime Dieu l’aime en tant que Seigneur de la terre, telle qu’elle est ; qui aime la terre, l’aime en tant que terre de Dieu. »